Interview avec Said Guihia, directeur de l’ESBAC
À l’occasion des Moroccan Interior Design Awards (MIDA), Said Guihia, directeur de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca (ESBAC), revient sur l’histoire foisonnante de cette institution fondée en 1930, sur son rôle pionnier dans l’enseignement artistique au Maroc et sur son évolution vers un véritable laboratoire d’expérimentation en art et design. Des ateliers initiés par Farid Belkahia dans les années 1960 à la création de départements spécialisés dans les années 1990, l’ESBAC s’est imposée comme un vivier de créativité et de réflexion critique, formant des générations de lauréats aux parcours multiples. Aujourd’hui, l’école offre des formations en Arts/Espace, Design graphique & digital et Design d’intérieur, avec des débouchés recherchés dans le secteur privé et une ouverture affirmée à l’international. Partenaire des MIDA, l’ESBAC contribue pleinement à l’essor d’un design marocain en pleine mutation, nourri par le patrimoine artisanal et projeté vers la modernité.
MIDA // Pouvez-vous nous raconter la belle histoire de la genèse de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca ?
Said Guihia : Créée en 1930, par un groupe de résidents français désireux d’en faire un espace d’échanges et d’apprentissage pour les Ames dotées d’une sensibilité artistique, puis transformée officiellement en école en 1950 par la Municipalité de Casablanca.
Depuis 1950 à nos jours, l’école est devenue un champ d’expérimentations successives. Après l’indépendance du Royaume, l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca est passée sous la direction de Feu Farid Belkahia en 1962, dans les années soixante et soixante-dix, qui a instauré le système des Ateliers en se basant sur l’expérience Française. Et pour donner du sang neuf et un coup novateur à ce champ, il a fait appelle à une pléiade d’artistes fraichement diplômés d’Europe, accompagnés par quelques théoriciens Européens pour les cours théoriques. Les années se succèdent et se ressemblent, puisque plusieurs directeurs se sont succédé sans savoir quoi faire de l’héritage ? Jusqu’aux années quatre-vingt-dix, de siècle dernier et suite à une convention signée entre la direction de l’école et la faculté des sciences humaines de Ben M’SIK, le sort de cette institution est mis entre les mains de deux personnes en l’occurrence un artiste professeur des arts plastiques et un professeur chercheur en philosophie et l’esthétique.
Cette volonté de vouloir actualiser l’enseignement dans cet établissement a rencontré l’ambition de trois jeunes lauréats des Académies Belges, chacun d’eux dans une spécialité d’enseignement artistique supérieur, cette synergie a donné la naissance à trois départements au lieu des ateliers conventionnels. Pour l’histoire, l’accès aux études aux Beaux-Arts se fera dorénavant sur concours National ouvert à tous les bacheliers du Royaume.
Actuellement nous sommes convaincus que l’école Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca est un Laboratoire de recherches, de réflexions et de créativité, une Ecole d’Art et de Design ; marqué par les formations artistiques de qualité dont trois départements : Arts/Espace, Design Graphique/Digital et Design d’intérieur (Espace/Objet), qui s’actualisent.
MIDA // Quels sont les diplômes délivrés par l’ESBAC ?
S.G. : Les diplômes délivrés par l’ESBAC sont des diplômes communaux, diplôme ESBAC, proposés en trois options : Art/Espace, Design Graphique & Digital et Design d’intérieur.
MIDA // Quels sont les débouchés des lauréats de vos écoles ?
S.G. : Bien que le diplôme de l’ESBAC ne soit pas reconnu dans la fonction publique, notre école ne visant pas à former des fonctionnaires, nos lauréats sont très recherchés dans le secteur privé. Ils intègrent des agences d’architecture, des cabinets de design d’intérieur, d’événementiel ou choisissent l’entrepreneuriat.
MIDA // Qu’est-ce-qui fait la spécificité de l’ESBAC ?
S.G. : La force de l’ESBAC réside dans la polyvalence de ses diplômés. Malgré leurs spécialités respectives, ils explorent différentes disciplines et médiums artistiques, ce qui leur ouvre de nombreuses perspectives : poursuite d’études à l’étranger via les admissions parallèles, ou encore le développement de leur propre démarche créative. Plusieurs anciens lauréats en témoignent régulièrement via des expositions, évènements artistiques ou sur les réseaux sociaux.
La direction de l’École a tissé de nombreux partenariats avec des institutions et écoles européennes, notamment en Espagne, en France et en Italie. Nos étudiants, quant à eux, sont également très appréciés par les instituts et les académies de Belgique, qui reconnaissent leur talent et leur créativité.
MIDA // Vous êtes partenaires des MIDA, MOROCCAN INTERIOR DESIGN AWARDS, qu’est-ce que cela vous apporte ?
S.G. : Être partenaire des MIDA MOROCCAN INTERIOR DESIGN AWARDS, représente une grande fierté pour moi et une véritable valeur ajoutée pour notre école. Ce n’est d’ailleurs pas notre première collaboration avec A+E Architecture et Environnement.
Nous gardons en mémoire l’engagement du regretté Fouad Akalay (qu’Allah ait son âme) qui a tant œuvré pour l’architecture, le design et la culture en général. Aujourd’hui, vous poursuivez brillamment cette mission héritée, exigeante et complexe, et je vous adresse toutes mes félicitations pour cette belle continuité, avec beaucoup de prospérité et succès.
MIDA // Que pensez-vous de l’évolution du design au Maroc ?
S.G. : Le design au Maroc connaît depuis quelques années un véritable essor. Longtemps perçu comme un simple prolongement de l’artisanat ou de l’architecture, il est aujourd’hui reconnu comme un champ créatif à part entière, au carrefour de la tradition et de la modernité.
La richesse du patrimoine artisanal marocain (bois, métal, tissage, zellige, cuir…) inspire fortement les designers, qui réinventent ces savoir-faire en les adaptant aux besoins contemporains. On observe aussi une montée en puissance du design graphique et digital, portée par les nouvelles technologies et la demande des entreprises.
Le pays dispose d’écoles et d’institutions (comme l’ESBAC à Casablanca, l’INBA à Tétouan, ou d’autres formations privées) qui forment une nouvelle génération de créateurs, ouverts sur l’international. Le design au Maroc n’est donc plus seulement décoratif : il devient fonctionnel, innovant et contribue à l’image moderne du pays dans le monde.
Grâce à votre engagement en tant qu’acteur médiatique et événementiel, vous offrez une meilleure visibilité à cette discipline et vous la rendez accessible à chacun, permettant ainsi à un plus large public d’en profiter.