Rencontre avec Youssef Benhamou
Nominé dans la catégorie Intégration de l’artisanat pour le projet Arabesque Restaurant, Youssef Benhamou partage sa vision du design d’intérieur et dévoile sa démarche créative, son rapport à l’artisanat et les enjeux du projet.
MIDA // Comment définissez-vous votre signature et votre manière d’aborder le design d’intérieur ?
Youssef Benhamou : Mon approche n’a pas changé depuis mes débuts : je pars toujours des contraintes techniques pour créer une cohérence spatiale. J’optimise les volumes, j’allège les espaces, je cherche à rendre l’environnement le plus aérien possible. Mon objectif est de générer une émotion, d’être en immersion totale avec le concept. Ma signature, c’est l’audace — oser des partis pris auxquels le client n’aurait jamais pensé, mais qui, une fois réalisés, deviennent une évidence.
MIDA // Dans le projet Arabesque, la dimension marocaine est très présente. L’intégration de cet esprit était-elle une demande du client ou le fruit d’une volonté personnelle ?
Y.B : Pour Arabesque, l’artisanat marocain s’imposait naturellement : le concept même était de créer un restaurant marocain. Le véritable défi, c’était de rester fidèle au souhait du client — proposer une cuisine marocaine classique mais revisitée — tout en traduisant cette idée dans l’espace. J’ai donc pris le parti d’un lieu marocain, mais dans un environnement résolument méditerranéen. Ce mélange, ce “twist” entre deux cultures, a été le fil conducteur du projet : créer un espace doux, ancré dans l’artisanat, mais totalement contemporain.
MIDA // L’artisanat marocain est une source d’inspiration inépuisable. Qu’est-ce qui vous touche le plus dans ce patrimoine ?
Y.B : L’artisanat marocain fait partie de notre environnement quotidien et de notre culture profonde. Le travailler, pour moi, représentait un véritable défi, surtout que je l’intègre rarement dans mes projets résidentiels, qui sont généralement plus design que marocains. Dans Arabesque, j’ai choisi d’écouter davantage les artisans que l’inverse. Mes choix de finitions viennent de souvenirs, des formes, des couleurs, des ambiances de mon enfance et de nos villes. Ce qui me touche le plus, c’est la transmission : cette capacité à faire perdurer un geste, une technique, une émotion. L’essentiel, c’est de préserver la technicité tout en l’adaptant à notre époque.
MIDA // Vous travaillez souvent main dans la main avec les artisans. Quelle place occupe cette collaboration dans votre démarche ? Comment ce dialogue influence-t-il le résultat final ?
Y.B : La collaboration avec les artisans est au cœur de ce type de projet. J’aime que le dialogue soit sincère et fluide : je ne cherche pas à imposer une vision figée, mais à construire ensemble. Dans Arabesque, chaque détail est né d’un échange. Certains motifs, certaines proportions ont été réinterprétés directement avec les artisans, en tenant compte de leur savoir-faire et de la sensibilité du lieu. Ce travail à plusieurs voix donne toujours des résultats plus justes, car il ancre le design dans le réel, dans la main, dans la matière. C’est une manière d’honorer le geste tout en le modernisant.
MIDA // Que représente pour vous cette nomination aux Moroccan Interior Design Awards ?
Y.B : Cette nomination représente avant tout une reconnaissance du travail collectif. C’est une fierté de voir un projet comme Arabesque valorisé pour la justesse de son équilibre entre tradition et modernité. Au-delà de la compétition, c’est une occasion de mettre en lumière la richesse de l’artisanat marocain, quand il est pensé comme un langage contemporain. Pour moi, cette distinction célèbre aussi une vision : celle d’un design marocain libre, ouvert et en dialogue permanent avec le monde.